Vincent Lemaire, un chauffeur privé de 61 ans, apprécie la solitude que lui procure son métier. Pour lui, cela signifiait éviter les rapprochements, même s’il côtoyait énormément de gens. Il préférait garder une certaine distance émotionnelle : il avait entendu tant d’histoires au fil des années qu’il en était devenu imperméable. Il vivait au 5e étage d’un immeuble ancien, où il jouissait d’une vue sur un parc et d’un calme presque parfait.

Son voisin, Alain Dubois, un homme du même âge, souffrait d’une dépression chronique depuis la mort de sa femme, Elisabeth, d’un cancer rapide et fulgurant. Il vivait avec son épagneul, Kasket, sa principale compagnie et la seule motivation qui le poussait encore à sortir de chez lui. Alain avait emménagé dans l’immeuble deux ans plus tôt et n’avait jamais vraiment surmonté sa perte.
Cet immeuble résidentiel était situé dans une grande ville, offrant une communauté dense mais où les relations restaient souvent superficielles. Les portes d’entrée de Vincent et d’Alain étaient presque collées, et pourtant, jusqu’à récemment, leurs échanges se limitaient aux banalités d’usage : « Bonjour », « Bonne journée », « Bonsoir ». Mais un jour, Vincent décida de briser la glace en remarquant que Kasket semblait être une chienne heureuse.
— Bonjour, votre chienne est vraiment adorable, observa Vincent avec un sourire.
— Oui, elle est une bonne chienne, ma meilleure amie, elle me dit “je t’aime” 24 heures sur 24, répondit Alain, sans vraiment y réfléchir.
— Vraiment ? Et comment elle s’y prend pour vous dire ça ? demanda alors Vincent, intrigué.
Vincent sourit :
— On dit souvent que les chiens sont nos meilleurs thérapeutes, ils nous forcent à marcher plusieurs fois par jour et nous aident à vieillir moins vite.
Alain rigola, surpris par sa propre réaction. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas ri. Comme d’habitude, chacun prit ensuite sa route : l’un vers le parking, l’autre vers le parc. Dans sa tête, Alain s’amusa à jouer avec les mots : parkING et parkOUR. Il sourit à lui-même. Quelle journée, deux sourires… il avait même l’impression de sentir de nouveau ses muscles faciaux, comme s’ils s’étaient réveillés après un long sommeil.
Quelques jours après ce premier échange, dans l’ascenseur, Vincent remarqua qu’Alain avait l’air plus abattu que d’habitude. Rassemblant son courage, il engagea la conversation :
— Bonjour, je ne peux m’empêcher de voir que quelque chose vous pèse. Si jamais vous avez besoin de parler, ou juste de compagnie pour une promenade, je serais heureux de partager un moment avec vous.
Alain accepta l’invitation, marquant le début d’une nouvelle phase dans leur relation. Avec le temps, il prit l’habitude de frapper à la porte de Vincent pour lui proposer de l’accompagner lors des promenades avec Kasket.
Au fil de ces sorties quotidiennes, Vincent et Alain commencèrent à se confier davantage. Vincent raconta sa carrière de chauffeur, les innombrables personnes qu’il avait rencontrées, et son amour pour la solitude. Alain, lui, s’ouvrit sur sa dépression et la douleur persistante d’avoir perdu sa femme. Les conversations devinrent de plus en plus profondes. Habitué à voir un psychologue chaque mois, Alain trouvait soudain un nouvel espace d’expression auprès de Vincent, et il savait poser les bonnes questions en retour. De son côté, Vincent, habitué à écouter, découvrit qu’il avait lui aussi plus à dire qu’il ne l’aurait cru.
Leur amitié se renforça, chacun trouvant du réconfort auprès de l’autre. Les promenades de Kasket servaient de prétexte à leurs rencontres. Un soir, alors que la lumière du jour déclinait, ils remarquèrent au loin une statue qu’ils n’avaient jamais vraiment observée. Selon l’angle de la lumière, elle semblait changer de forme : tantôt une femme accroupie, le visage tordu de souffrance, tantôt une silhouette fine et droite, presque menaçante. Ce phénomène les troubla profondément. Ils décrivirent exactement la même vision, ce qui renforça leur malaise. Était-ce un simple jeu d’ombres, ou bien autre chose ?
Le surlendemain, résolus à éclaircir ce mystère, Vincent et Alain décidèrent de se rendre à la mairie pour obtenir des informations sur la statue. Ils espéraient y trouver un registre, un dossier historique, quelque chose qui expliquerait la présence de cette sculpture inquiétante.
Dès leur arrivée, ils furent reçus par une employée municipale, le nez plongé dans d’innombrables feuillets.
— Bonjour, dit Vincent. Nous habitons près du parc, celui qui longe la rue Delambre, et nous souhaiterions avoir des renseignements sur la statue qui s’y trouve.
— Une statue ? Dans ce parc ? fit l’employée, visiblement perplexe. Je n’en ai jamais entendu parler. Est-ce que vous avez un numéro d’inventaire, une référence exacte ?
— Euh… non, répondit Alain. C’est pour cela que nous sommes venus. Peut-être existe-t-il une archive mentionnant son installation ?
— Il me faut un formulaire complété et l’accord du service du patrimoine. Essayez d’abord le guichet G, au bout du couloir, suggéra-t-elle avant de replonger dans ses papiers.
Vincent et Alain échangèrent un regard, puis traversèrent le long couloir aux néons clignotants. Au guichet G, un agent leur indiqua qu’il fallait d’abord repasser par le service des espaces verts pour obtenir un numéro de dossier, puis revenir valider ce numéro au guichet B pour l’archivage. Une fois tout cela fait, ils devraient remplir un formulaire en trois exemplaires pour le transmettre au service du patrimoine.
— Mais… le service du patrimoine nous a justement envoyés vers vous, hasarda Vincent.
— Impossible, soupira l’agent en haussant les épaules. Ici, nous ne faisons que le pré-archivage, vous comprenez ?
Après une matinée de va-et-vient absurde entre les différents guichets, ils ressortirent encore plus déconcertés qu’avant. Personne ne semblait reconnaître l’existence de cette statue ni vouloir en assumer la responsabilité.
— J’ai l’impression qu’elle n’existe pas, du moins pas pour eux, s’agaça Alain alors qu’ils s’éloignaient du bâtiment administratif.
— Ou bien elle est là, mais personne ne veut admettre qu’elle pose problème, répondit Vincent, consterné.
Le soir même, déterminés à regarder à nouveau la statue, ils constatèrent que leur montre affichait une heure différente de celle de leurs téléphones, comme si le temps s’était soudain décalé. Ce n’était pas grand-chose — quelques minutes d’écart — mais cette petite dissonance les troubla davantage, renforçant la sensation d’entrer dans un univers où les repères se brouillaient. En approchant de la sculpture, ils eurent la conviction qu’elle se tenait plus en retrait que la veille, son socle à demi dissimulé par les buissons.
— Est-ce que tu la vois aussi reculée ou je rêve ? demanda Alain, la voix tremblante.
— Non… je la vois comme toi. On dirait qu’elle a bougé. Ou que le parc s’est déplacé autour d’elle, murmura Vincent.
— Ça me donne la chair de poule, avoua Alain. Parfois, j’aimerais juste qu’on me dise que tout ça n’est qu’un mauvais rêve.
— J’aimerais aussi… Mais j’ai peur qu’on se retrouve avec encore plus de questions, répondit Vincent, en glissant machinalement ses mains dans ses poches. C’est comme si la statue défiait notre logique.
Cette subtile altération de l’espace et du temps, jointe à l’impossibilité de trouver la moindre explication officielle, donna un caractère fantastique à leur quête de vérité. Plus ils cherchaient des réponses, plus la réalité leur paraissait insaisissable.
Les soirs de brume, il leur arrivait de croiser des silhouettes furtives au pied de la statue, comme si d’autres promeneurs scrutaient ce même mystère. Mais dès que Vincent ou Alain s’approchait pour engager la conversation, les inconnus semblaient disparaître dans l’obscurité. À plusieurs reprises, ils crurent aussi discerner des reflets mouvants sur la pierre, comme si la statue se recouvrait d’une fine pellicule d’eau, puis s’en libérait aussitôt, laissant derrière elle de vagues traces humides. Ils en vinrent à se demander si ces phénomènes étaient réels ou simplement le fruit de leur propre anxiété. Parfois, le réverbère du parc projetait des ombres tellement déformées qu’il était difficile de distinguer où commençait la silhouette humaine et où finissait la statue.
Pourtant, malgré ce sentiment d'irréel, ils ne pouvaient s'empêcher d'éprouver une fascination croissante pour cette énigme, comme si elle détenait la clé de leurs propres angoisses.
— Tu sais, Vincent, j’ai du mal à l’admettre, mais cette statue me fait presque plus peur que la maladie, lança Alain un soir, le regard fixé sur le socle. Au moins, face à une maladie, je sais où en est l’ennemi, d’une certaine manière. Mais là, j’ai l’impression de me battre contre un fantôme.
— Je comprends ce que tu veux dire, répondit Vincent en frissonnant. Moi aussi, j’ai le sentiment que quelque chose nous observe. C’est frustrant de ne pas pouvoir l’identifier clairement.
— Parfois, je me demande si on n’hallucine pas tous les deux, reprit Alain.
— Peut-être… ou peut-être qu’on a enfin ouvert les yeux sur ce que notre esprit refusait de voir avant, murmura Vincent, pensif.
Dès lors, une tension latente accompagna leurs promenades, un sentiment d’inquiétude dont ils ne parlaient pas à voix haute. Quelques jours plus tard, Alain raconta avoir entendu d’étranges bruits venant du parc pendant la nuit, comme des murmures ou des pas sur le gravier, alors que personne n’était censé s’y trouver. Vincent, sceptique mais curieux, proposa qu’ils s’y rendent un soir pour en avoir le cœur net, même si une crainte sourde commençait à l’habiter.
Lors de cette sortie nocturne, l’atmosphère du parc leur parut différente. L’air était plus froid, plus lourd. En approchant de la statue, ils eurent l’étrange impression qu’elle avait légèrement changé d’orientation. Était-ce une illusion d’optique, un simple effet de la lumière ? Vincent se força à rire pour détendre l’atmosphère.
— Je ne sais pas pourquoi je ris, avoua-t-il, nerveux. Peut-être pour ne pas me mettre à crier.
— Je me sens pareil, lâcha Alain. On est vraiment en train de flirter avec quelque chose de… d’inexplicable.
Alain demeura ensuite figé, incapable de détourner le regard de la silhouette de pierre. Le lendemain, en discutant avec un vieil habitant de l’immeuble, ils apprirent l’histoire sinistre de cette statue : elle représentait autrefois une femme ayant perdu son enfant lors d’un accident tragique. Certains prétendaient même qu’elle se déplaçait légèrement la nuit, cherchant désespérément ce qui lui avait été arraché. Vincent et Alain échangèrent un regard lourd de sens. À partir de ce moment-là, leurs promenades perdirent de leur légèreté.
Peu à peu, chacun projeta ses propres angoisses sur cette statue. Vincent y voyait la présence de sa femme disparue, comme si elle tentait de lui rappeler qu’il n’était pas seul face à la souffrance. Alain l’interprétait plutôt comme un avertissement contre l’isolement : la solitude ne pourrait jamais être une solution définitive à ses peines. Tous deux se sentaient hantés par ce qu’ils ressentaient et par ce que la statue semblait incarner.
Pourtant, malgré la peur qui s’installait, ils continuèrent à promener Kasket dans ce parc. Parfois, ils s’approchaient de la statue à la nuit tombée, comme pour chercher des réponses ou un signe. Plus leur amitié grandissait, plus ils trouvaient un moyen de se soutenir mutuellement : Vincent aida Alain à repérer et contrer les signes de sa dépression, tandis qu’Alain, à sa manière, incita Vincent à sortir de sa réserve et à renoncer aux illusions qui le rattachaient au passé.
Au fil du temps, chacun commença à reprendre confiance en lui. Vincent s’efforça de ne plus laisser le souvenir de sa femme le plonger dans la mélancolie, et Alain comprit que son besoin de solitude n’était pas aussi « normal » qu’il le pensait, qu’il cachait en réalité sa peur de souffrir encore.
Ainsi, jour après jour, la statue, avec son histoire tragique et son aura inquiétante, cessa peu à peu de leur inspirer la même frayeur. Peut-être avait-elle rempli son rôle : les confronter à leurs peurs et les pousser à s’entraider. Leur amitié, née de quelques mots échangés dans un ascenseur et renforcée par la présence fidèle de Kasket, s’avéra être le remède dont ils avaient tous deux besoin.
Un matin, alors qu’ils longeaient paisiblement les allées du parc, Vincent remarqua le teint pâle d’Alain et son regard hanté. Sans qu’il ait besoin de poser la question, Alain confia qu’il était à bout de forces après une nuit de cauchemars. Surpris, Vincent admit qu’il était lui aussi tourmenté depuis quelque temps : il rêvait souvent d’un long couloir, dont les murs se refermaient lentement sur lui, l’étouffant presque.
Se sentant en confiance, Alain décrivit l’un de ses rêves les plus marquants : il se voyait devant la statue, qui avait cette fois un visage humain. Elle pleurait et l’appelait par son prénom, comme si elle cherchait de l’aide. Lorsqu’il s’approchait, la silhouette se jetait dans ses bras pour disparaître aussitôt, le laissant seul dans le noir. Son cœur battait à tout rompre, et il se réveillait toujours le souffle court. Cette vision lui rappelait la perte de sa femme, comme s’il revivait sans cesse l’impuissance de ne pas avoir pu la sauver.
Vincent, troublé par ce récit, expliqua que dans son propre rêve, il conduisait sa voiture dans une ville déserte, aux lumières vacillantes. À chaque virage, il voyait une femme en filigrane dans le rétroviseur, mais jamais il ne parvenait à la rejoindre. Puis la route se transformait soudain en un chemin de terre bordé d’arbres penchés, rappelant étrangement le parc. Plus il avançait, plus ces arbres prenaient l’apparence de silhouettes courbées, presque menaçantes. Il se réveillait souvent en sueur, comme s’il avait roulé à vive allure pour fuir quelque chose d’invisible.
En évoquant leurs cauchemars, ils prirent conscience que leurs peurs portaient la même signature : la perte, l’impuissance, la culpabilité. La statue semblait n’être que la manifestation concrète de ces blessures non refermées. Pourtant, en partageant leurs angoisses, ils réalisèrent aussi qu’ils pouvaient en parler et les atténuer. À partir de ce jour, leurs balades prirent une autre tournure : au lieu de contempler la statue en silence, ils s’en approchaient pour la défier, comme pour se prouver que leurs peurs pouvaient être nommées et, peut-être un jour, vaincues.
Quelques jours plus tard, alors qu’ils longeaient une rangée d’arbres presque dépouillés de leurs feuilles, un homme d’une soixantaine d’années, vêtu d’une épaisse veste de travail, s’approcha d’eux. Il tenait un lourd trousseau de clés à la main et arborait un air soucieux.
— Bonjour, je m’appelle Hugo. Je suis le gardien du parc. J’ai remarqué que vous venez souvent par ici, surtout le soir… Je voulais juste vous dire de faire attention, parce que… eh bien, j’ai vu des choses étranges, moi aussi.
Vincent et Alain échangèrent un regard. L’homme semblait sincère. Intrigués, ils l’invitèrent à poursuivre.
— Vous voyez cette statue ? dit Hugo, en désignant la silhouette de pierre. Je l’ai déjà retrouvée tournée d’un autre côté, ou bien recouverte de moisissures inexpliquées du jour au lendemain. Je ne sais pas si vous y croyez, mais on dit qu’elle cherche quelque chose, ou quelqu’un. Certains affirment qu’ils l’ont vue se pencher, comme si elle allait s’agenouiller… Une fois, je me suis même senti observé en la nettoyant, comme s’il y avait un regard derrière ses yeux vides.
En entendant cela, Alain sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Tout ce qu’ils avaient éprouvé jusque-là prenait soudain une tournure plus tangible. Vincent, lui, sentit son cœur s’emballer. Cette confirmation extérieure les secouait autant qu’elle les soulageait : ils n’étaient pas les seuls à percevoir l’étrangeté de la statue.
— Je sais que ça peut paraître fou, reprit Hugo, mais si jamais vous entendez encore des bruits la nuit, ou que vous voyez la statue dans une autre position, appelez-moi. Je n’ai pas d’explication, seulement… j’aimerais comprendre, moi aussi.
— Merci, Hugo, dit Alain en prenant la carte. On n’hésitera pas à vous contacter. Vous… vous n’avez jamais pensé à en parler aux autorités ?
— J’ai essayé, mais ils disent que la statue n’est pas de leur ressort. Vous comprenez, je suis juste gardien, pas enquêteur. Alors je fais ce que je peux…
Sur ces mots, le gardien leur tendit une carte avec un numéro de téléphone griffonné dessus, puis s’éloigna pour poursuivre sa ronde. Pendant un long moment, Vincent et Alain restèrent silencieux. La chienne Kasket renifla le sol avant de poser sur eux un regard attentif, comme si elle sentait leur trouble.
— On dirait qu’on n’est pas les seuls à avoir remarqué ces choses, murmura Vincent.
— Ça me rassure et ça m’effraie en même temps. Je ne sais plus quoi penser, avoua Alain.
À partir de cet instant, l’idée qu’ils n’étaient pas seuls à vivre ce malaise ébranla leurs certitudes. Ils s’aventurèrent à nouveau vers la statue, la contemplant désormais avec une appréhension grandissante. Chaque craquement de branche, chaque souffle de vent contre la pierre revêtait une signification nouvelle, comme si le parc lui-même était devenu un théâtre d’ombres, prêt à révéler ses secrets.
— Tu crois qu’elle va encore bouger ? demanda Alain un après-midi où le soleil filtrait à peine à travers un ciel bas.
— Peut-être. Mais si elle le fait, j’espère qu’on sera là pour le voir. J’ai besoin de savoir. C’est étrange, mais je me sens… impliqué dans ce mystère, répondit Vincent, l’air grave.
Ce même soir, alors que Vincent et Alain s’apprêtaient à regagner l’immeuble, leurs pas se firent plus légers qu’ils ne l’auraient cru. Ils échangèrent un sourire complice. Tous deux avaient la sensation d’avoir avancé sur un chemin intérieur : ils ne comprenaient pas entièrement la nature de la statue et des phénomènes qui l’entouraient, mais ils étaient conscients d’avoir déjà fait un grand pas.
Les jours qui suivirent prirent une tournure différente. Vincent se surprit à accepter de petits moments de convivialité qu’il aurait auparavant esquivés : un café au coin de la rue, une invitation à une conversation plus prolongée avec un voisin. Alain, quant à lui, retrouva un certain appétit de vivre. Il recommença peu à peu à lire des livres abandonnés depuis des mois et à prendre plus souvent l’initiative de voir ses amis de l’immeuble.
Quand ils retournèrent au parc, la statue leur apparut moins menaçante, presque familière. Hugo, le gardien, les salua de loin, semblant soulagé de les voir en meilleure forme. Les mots étaient peut-être superflus : un simple regard échangé suffisait à montrer que tous partageaient désormais ce même secret, cette même incompréhension mêlée d’acceptation.
En fin de compte, la vie dans l’immeuble reprit son cours normal, mais elle ne serait plus jamais tout à fait la même. Vincent et Alain continuaient de promener Kasket chaque jour, se rappelant souvent la première fois où ils s’étaient attardés devant la statue. Ils savaient désormais qu’ils n’étaient pas seuls face à leurs peurs et que, grâce à leur amitié et aux confidences partagées, quelque chose s’était libéré en eux.
La statue resta là, immobile et muette, gardienne silencieuse de leurs angoisses passées. Peut-être continuerait-elle d’effrayer ou d’intriguer d’autres promeneurs, mais pour Vincent et Alain, elle était devenue le symbole paradoxal de leur renaissance, de ce pont qu’ils avaient construit entre deux solitudes. Chaque fois qu’ils la voyaient, ils pensaient à ce chemin parcouru, et un sentiment de gratitude, mêlé de respect, s’élevait en eux.
Ainsi, après avoir affronté leurs ombres et découvert qu’ils pouvaient se soutenir mutuellement, ils reprirent un quotidien plus doux, où la lumière du jour semblait un peu moins fade, et où les rires, même discrets, retrouvaient leur place.
Véro Infini
Les territoires de l’étrange avec Franz Kafka
Kafka est reconnu pour ses écrits sombres, oniriques et absurdes, qui capturent l’angoisse et l’aliénation dans des situations étranges.
Défi 3 : De l'intime à l'universel
Identifiez une situation qui vous angoisse.
Créez un personnage qui n'est pas vous.
Placez-le dans une scène où cette angoisse se matérialise de façon inattendue.
Laissez l'étrange s'immiscer naturellement dans le récit.
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