Anne vient de quitter la baby shower pour sa sœur Julie. Elle s'est régalée, entourée de rires, de joie, de famille et d'amis. Bien que sa sœur et son beau-frère, Peter, n'aient pas encore révélé le sexe du bébé, elle sait qu'ils le connaissent déjà.

Par accident, Julie est tombée sur le dossier médical et l'a lu.
« Tout ce mystère... Ça me fait presque mal de ne pas savoir », pense Anne en souriant, amusée par l'attente insoutenable que Julie et Peter imposent à tous. Alors qu’elle s’éloigne de cette journée festive, une douce mélodie de souvenirs l'accompagne. Elle prend la route pour rentrer chez elle, un long trajet de 28 km à travers la campagne en bord de mer et la montagne, l'esprit léger et joyeux. En conduisant, elle sourit, revivant certaines discussions avec ses cousins et cousines, heureuse d'avoir partagé ces moments avec ses grands-parents. C’était une journée mémorable.
Elle emprunte la route du col appelée « Hautbas », facilement identifiable par sa montée aiguë suivie d’une descente rapide, nécessitant de freiner. Cette route sinueuse, elle la connaît bien, mais ne l’a jamais aimée. D’habitude, c’était son fiancé qui conduisait.
Ils ont rompu il y a deux mois, après qu’il l'ait giflée. Il n’avait pas cru Anne lorsqu’elle lui avait expliqué qu’elle était restée chez sa sœur en urgence, car Julie avait soudainement perdu du sang. Son mari étant en voyage d’affaires, Anne avait passé du temps au centre médical, puis aidé sa sœur à se reposer, lui préparant une soupe. Ce n’est qu’après tout cela qu’elle est rentrée chez elle, tard dans la nuit.
La route était difficile, enveloppée d'un brouillard épais. La dispute éclata ; il refusait toujours de la croire.
Quand elle décida de ne plus répondre à ses reproches incessants, elle se dirigea vers la chambre, prête à se coucher. Il la suivit presque en courant et la gifla sur les deux joues avant de retourner au salon. Anne, épuisée par sa journée, inquiète pour la santé de son neveu ou nièce, ne dit rien, ne bougea même pas pendant plusieurs minutes. Finalement, elle prit une douche et se mit au lit. Elle s’endormit aussitôt sur le dos, la douleur des gifles l’empêchant de se tourner. Première gifle de sa vie à 31 ans. Ça faisait mal dehors et dedans. Heureusement, elle trouva le sommeil rapidement.
Depuis quelques jours, il tente de la joindre, mais elle refuse tout contact. Ils avaient été ensemble cinq ans, mais issue d'une famille éduquée et respectueuse, Anne ne tolère aucune forme de violence, même une seule fois. Cette nuit-là, après l’agression, elle était restée silencieuse dans son lit, tandis qu’il hurlait, implorant son pardon. Au matin, calme et déterminée, elle lui a rendu la bague de fiançailles en déclarant : « Tu dois partir maintenant. Pas de discussion, pas de pitié. Oui, il y aura de la douleur, mais jamais je ne tolérerai cela. Une fois, c’est déjà trop. »
Elle s’étonna elle-même de la facilité avec laquelle ces mots étaient sortis, sans hésitation ni regret. Après cinq ans de relation, elle n’avait ressenti aucune peine en les prononçant. Depuis deux mois, elle vit sans remords. Certes, il y a des souvenirs qui réveillent une certaine tristesse, mais c’est supportable.
Sa famille a approuvé la rupture, car la violence est un péché inacceptable pour eux. La vie est précieuse, et leurs valeurs reposent sur l’amour, la communication et la famille. De plus, la famille d'Anne et de Julie ne l'appréciait pas vraiment, car il ne travaillait que très peu ; il préférait rester à la maison. Ce n’est pas un problème en soi, mais après deux ans de fiançailles et toujours aucun enfant, il n’avait jamais montré la moindre volonté de fixer une date pour le mariage. Il était aussi fréquemment en désaccord avec certaines croyances importantes pour la famille d'Anne.
En conduisant, elle remarqua une voiture dans le lointain, derrière elle. Sur cette route rarement fréquentée, surtout à cette heure, il est environ 22 heures. Soudain, elle aperçoit les reflets des phares, son unique repère dans cette obscurité. Le phare lui indiquent que la route sera bientôt plus droite et moins dangereuse. Elle pense à s’arrêter pour faire un petit coucou au gardien du phare, soit Paul, le père, soit son fils Julien.
Ce phare, situé entre Court Village, où sa famille habitait, et Chamile, où elle-même résidait, est devenu un symbole pour les deux communautés. Les deux hommes, après avoir perdu leur épouse et leur mère, ont été autorisés à rester gardiens du phare Milou, veillant sur cet endroit chargé de souvenirs pour les villageois. De nombreux habitants leur rendent souvent visite, apportant des friandises et jouant à la belote ou au domino. L'un des deux est toujours éveillé, car leur travail exige une présence constante. Ils sont peut-être les derniers gardiens de phare, à une époque où tout est désormais automatisé. Le phare reste utile, mais le gardien, lui, semble de moins en moins indispensable. C'est un constat triste.
Elle se dit que ce métier devrait être revalorisé, car dans un monde comme le nôtre, nombreux sont ceux qui rêveraient d’une vie aussi paisible, près de la mer. L'air marin apaise, et le bruit des vagues peut aider à se détendre. L’eau, bien qu'elle soit l’élément le plus destructeur, a toujours eu besoin de veilleurs pour signaler les dangers. Certes, l'électronique peut anticiper les tempêtes et autres menaces, mais elle pense qu’il y a une certaine beauté à ce qu’un humain occupe encore ce poste, profitant de cette vie en harmonie avec la mer.
Alors qu’elle pense à tout cela, la voiture derrière elle se rapproche. Elle essaie de se calmer, se disant que cela pourrait être quelqu'un allant à Chamile ou plus loin. Journaliste spécialisée dans les féminicides, la peur commence à l’envahir. Elle imagine les scénarios terrifiants qu’elle a souvent décrits.
Elle n’est pas rassurée non plus à l’idée que son ex pourrait la suivre. La voiture derrière elle se rapproche de plus en plus, et elle commence à paniquer. Elle connaît un raccourci pour atteindre le phare en passant par les rochers puis la plage. Elle abandonne sa voiture au bord de la route, laissant même la porte ouverte, et s’enfuit en courant vers le chemin qu’elle connaît bien.
Effrayée, elle dévale les rochers, le vent hurlant, étouffant ses pas. Elle espère échapper à son poursuivant. En un regard rapide derrière elle, elle aperçoit un homme courant derrière elle. Son téléphone en main, elle vérifie : pas de réception. Elle est presque au phare. Elle frappe violemment à la porte pour être entendue.
Par chance, Paul descendait justement de l’entretien quotidien au sommet du phare. Il lui ouvre, surpris par son air paniqué. Avant qu’il ne puisse poser la moindre question, quelqu’un frappe à nouveau à la porte.
Anne, le visage rouge et couvert de sueur, la peur visible dans ses yeux, peine à reprendre son souffle. Paul, alarmé, la prend à part et lui demande calmement ce qui se passe. D'une voix tremblante, elle lui explique rapidement qu'elle est terrifiée.
Cherchant à la rassurer, Paul la conduit dans la cuisine, lui sert un café chaud, puis retourne ouvrir la porte. Un jeune homme immense, mesurant au moins deux mètres, se tient devant lui, tenant une plaque d’immatriculation. Il explique que cette plaque s’est détachée de la voiture qui le précédait, percutant son pare-brise et le brisant. Il l'a ramassée et a suivi la voiture pour la rendre, mais aussi pour régler les démarches d’assurance. Gardant ses distances, il avait remarqué que la conductrice semblait effrayée. Lorsqu'elle s'est arrêtée, il a tenté de l'appeler, mais le vent et le bruit des vagues ont rendu sa voix inaudible. L’ayant vue se précipiter vers le phare, il a décidé de venir frapper à la porte.
Paul éclate de rire, suivi par le jeune homme, et bientôt Anne sort timidement de sa cachette, d'abord avec un sourire gêné, puis elle se met à rire également, soulagée par le retournement de situation. Tout s'apaise rapidement. Après avoir rempli les papiers d'assurance, ils partagent un café, discutant de tout et de rien, appréciant ce moment inattendu. Il est déjà 2 heures du matin, et chacun sent qu'il est temps de partir.
Avant de se quitter, le jeune homme et Anne échangent leurs contacts sur WhatsApp. Avec un sourire bienveillant, il lui propose de la suivre jusqu'à chez elle pour s'assurer qu'elle rentre en toute sécurité, précisant qu'il habite à seulement quelques kilomètres plus loin. Anne accepte avec reconnaissance, et ils se préparent à reprendre la route.
Une nouvelle vie commence.
Le lendemain matin, alors que le soleil se lève sur la mer, Anne se réveille avec une nouvelle énergie. Les événements de la veille lui rappellent qu’il y a encore des gens bien dans ce monde. Elle prend une grande inspiration et se promet de ne plus laisser la peur contrôler sa vie.
Elle se lève, se prépare un café et prend un moment pour réfléchir. Les souvenirs de son ex commencent à s’estomper, et la douleur qu’elle avait ressentie fait place à un sentiment de liberté. Peut-être qu’un nouveau chapitre de sa vie s’ouvre enfin.
Elle pense à son travail, à ses articles sur la violence faite aux femmes, et à la manière dont elle peut continuer à sensibiliser le public. Elle se sent prête à s’investir encore plus dans ses projets.
La journée s’annonce radieuse, et elle est déterminée à la vivre pleinement, sans regret ni peur. En se regardant dans le miroir, elle se dit : « C’est une nouvelle Anne qui se lève aujourd’hui. »
Elle n'a d’ailleurs jamais rappelé le fameux géant du phare, et lui non plus.
Presque six mois après, un jour simple et rare sans rendez-vous, elle décide de se prélasser chez elle. La télévision est allumée, juste pour écouter un peu les nouvelles, qu’elle suit généralement à la radio. Soudain, elle entend qu’il y a une urgence : un tueur en série recherché depuis trois ans vient enfin d’être capturé. Ils montrent l’homme. C’était le géant du phare. Elle ne peut s’empêcher de rire et de pleurer, se sentant bénie et sauvée par son instinct. Il aurait peut-être pu la tuer.
Tout va vite dans ses pensées. Elle appelle sa patronne et lui annonce qu’elle connaît cet homme, lui expliquant brièvement qu’elle veut absolument être la journaliste en charge de ce sujet. Dans sa tête, tout tourne, prête à ouvrir ce projet et à commencer un article qui fera fureur.
Suite au prochain numéro....
Véro Infini
L'exercice consiste à écrire une scène nocturne sur une route sinueuse, où une femme est poursuivie par un homme. Elle aperçoit un phare à travers le brouillard. Vous devez d'abord écrire cette scène du point de vue de la troisième personne, puis du point de vue de la première personne, en ajoutant des détails et des dialogues pour enrichir la narration.
Jour 9 avec the-artist-academy.fr et Bernard Minier, un auteur français spécialisé dans les thrillers. Je n'ai pas encore lu ses œuvres, mais après avoir visité son site web (bernard-minier.com), j'ai été très intriguée par ses histoires. Bien que je ne sois pas une grande lectrice de thrillers, j'en ai lu quelques-uns que j'ai classés parmi les meilleurs, leur attribuant la note "Géant" et "5 Étoiles". Donc, l'un de ses thrillers est maintenant sur ma liste de souhaits.
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Commentaires
Bonsoir Vero, très réussie ta nouvelle du phare. J'ai bien aimé 👍. On attend la suite avec impatience ! Des bises 😘
Solange
Bonjour Véro, je viens de lire ta nouvelle "Une soirée d'été". C'est absolument parfait ! J'ai eu peur ! La fin, très astucieuse et inattendue pour moi qui voyait un autre scénario plus quelconque. En tout cas bravo et j'attends la suite avec impatience.
Corriger "Moi qui voyais" ! Commentaire qui précède.