L'Amour Inattendu

Rose, une femme de soixante-dix ans, est une passionnée insatiable de la vie. Depuis sa retraite, elle explore sans cesse de nouvelles activités : peinture, poterie, lectures envoûtantes et marches dans la nature. Elle aide aussi bénévolement une association d'enfants autistes, leur lisant des histoires et les apaisant avec douceur. Pourtant, malgré cette vie bien remplie, Rose ressent un vide qu'elle peine à nommer.

Rose, une femme de soixante-dix ans, souriant lors d'une promenade en nature, symbolisant l'amour inattendu.

Elle se souvient de ces matins d'hiver où Jean, son mari, la taquinait en lui apportant un café brûlant et un sourire espiègle, ou de ces soirées d'été passées à regarder les étoiles, main dans la main. Ces souvenirs, aussi doux soient-ils, semblaient désormais appartenir à une autre vie, laissant place à ce vide pesant et inexpliqué. Aux yeux de ses proches, Rose mène une existence dynamique et riche. « Comment peux-tu t'ennuyer avec tout ce que tu fais ? » lui demandent souvent ses enfants, incrédules.

Et pourtant, Rose sent au fond d'elle une solitude pesante. Son quotidien est rythmé par des activités qu'elle aime, certes, mais qui n'arrivent plus à combler ce vide intérieur. 

Les journées de Rose, malgré leur apparente richesse, s'étiraient parfois en un ennui pesant.
Après ses activités, elle se retrouvait souvent seule dans son salon silencieux. Le tic-tac de l'horloge semblait alors résonner plus fort, marquant chaque seconde de cette solitude qu'elle n'osait pas nommer. Les soirées, jadis animées par les discussions avec son mari, lui paraissaient désormais interminables. Même la lecture, sa passion de toujours, perdait parfois de son attrait. Elle tournait les pages sans vraiment s'imprégner des mots, son esprit vagabondant vers ce manque indéfinissable. Elle tentait d'ignorer ce vide en multipliant les engagements, 
mais chaque retour chez elle ravivait cette sensation d'absence.

Elle observait par la fenêtre les passants, envieuse de ceux qui promenaient leur chien, discutant et partageant des moments simples et chaleureux. Elle ressentait cette nostalgie d'une compagnie fidèle, d'une présence constante et aimante. Parfois, Rose repensait à tous ces bons moments passés avec son mari, comme leurs pique-niques au bord de la rivière, les danses improvisées dans la cuisine et les couchers de soleil partagés en silence. Elle se rappelait aussi leurs fous rires en vacances, lorsque Jean prétendait être un guide touristique et inventait des histoires farfelues sur les lieux qu'ils visitaient. Ces souvenirs lui réchauffaient le cœur, mais faisaient aussi monter un pincement de nostalgie. qui avait malheureusement décédé il y a plusieurs années.

Elle en vient même un jour à repenser à son premier amoureux. Cela lui a fait drôle de revoir en pensées ce moment de sa vie, comme une fenêtre ouverte sur un passé doux et révolu. Elle se remémora cette histoire de princesse, trop parfaite pour durer. Leurs chemins s'étaient séparés naturellement avec les études, et aujourd'hui, Rose ressentit une légère honte à repenser à ces souvenirs. Elle rit intérieurement en se disant : « À 20 ans, on vivait des contes de fées. Elle se souvint alors d'un dîner romantique dans une petite brasserie parisienne, où son amoureux de l'époque avait renversé une coupe de champagne sur elle en voulant faire un toast solennel. Ils avaient ri aux éclats, et elle était rentrée chez elle, la robe collante et le cœur léger. » Aujourd'hui, ils se marient à 50 ans. Si je racontais ça à mes petits-enfants, ils me prendraient pour une folle ! »

Peu à peu, cette sensation d'ennui devient plus forte, plus pesante. Rose se surprend à traîner des pieds pour se rendre à ses activités, à soupirer en lisant les titres des livres qu'elle aimait autrefois tant. Elle ne comprend pas ce qui lui manque vraiment et se sent coupable d'éprouver une telle mélancolie alors que sa vie semble si parfaite en surface.

Avant cette période d'ennui, Rose lisait énormément, principalement de la littérature ancienne. Récemment, elle avait tenté de se tourner vers des ouvrages plus modernes, mais rien ne la captivait. Elle avait lu des millions de mots, et pourtant, ouvrir un livre devenait une corvée. Son enthousiasme d'autrefois s'était émoussé.

Ses enfants et petits-enfants, voyant cette lassitude et cette mélancolie inhabituelles chez Rose, décidèrent d'agir. Ils se réunirent un dimanche après-midi autour d'une grande table, thé et biscuits à portée de main, pour réfléchir à un cadeau qui lui redonnerait son sourire. « Il faut que ce soit quelque chose de vivant, d'interactif, pas juste un objet », proposa sa fille aînée. « Maman a besoin de compagnie, mais aussi d'une nouvelle aventure. » L'idée d'un animal de compagnie émergea rapidement. Ils écartèrent les chats, trop indépendants, et les oiseaux, trop fragiles. Un chien semblait parfait : loyal, affectueux et capable de partager les promenades que Rose aimait tant. Restait à trouver la race idéale. Ils optèrent pour un petit chien vif, pas trop grand pour son appartement, mais suffisamment énergique pour l'accompagner partout. Les recherches les conduisirent vers un élevage réputé, où ils rencontrèrent une petite chienne espiègle qui leur lança un regard malicieux. « C'est elle », dirent-ils à l'unisson. Le cadeau était prêt, chargé d'amour et d'espoir.

Le jour de la surprise, Rose resta d'abord figée en voyant la petite boule de poils s'agiter devant elle. Elle cherchait les mots, déconcertée. « Est-ce vraiment pour moi ? » pensa-t-elle. Son cœur s'emballait, partagé entre la joie et l'incertitude. Mais avant même qu'elle puisse articuler une phrase, la future Jolie bondit et lui sauta dessus. Rose éclata de rire en sentant la langue humide du chiot lui lécher les joues avec enthousiasme. La petite chienne tournait autour d'elle, aboyant gaiement, comme si elle la reconnaissait depuis toujours. Car les chiens savent reconnaître les amoureux des animaux, et savent les remercier avant même de partager leur vie. À cet instant, Rose comprit qu'elle n'était plus seule, et que cette rencontre était une évidence.

Un jour, lors d'une promenade en forêt avec Jolie, Rose s'arrêta soudain devant un vieux chêne. Elle posa sa main sur son écorce rugueuse et sentit un frisson la parcourir. Ce même arbre était celui près duquel elle et Jean avaient pique-niqué des années plus tôt. Elle revit son mari, le sourire malicieux, lui tendre un sandwich et plaisanter sur leur capacité à toujours choisir les endroits les plus boueux. Un sourire se dessina sur ses lèvres.

Le soir, elle s'assoit dans son fauteuil préféré, une tasse de tisane entre les mains, et fixe le mur. Les souvenirs de son mari refont surface, teintés de douceur et de chagrin. Jean avait été un époux parfait, attentionné et partageant son amour pour les balades. Leurs rares désaccords portaient sur les destinations de vacances. Ils avaient été de grands marcheurs et passaient souvent leurs week-ends à camper près des rivières. Rose se demanda pourquoi ses enfants, qui adoraient ces sorties autrefois, semblaient maintenant si désintéressés de ce type de loisirs. « De nos jours, avec les avions qui vous emmènent partout dans le monde, qui voudrait marcher dans son propre pays pour camper près d'une rivière ? » pensa-t-elle avec une pointe de tristesse et de nostalgie.

Rose se rendit compte que son esprit s'enfermait dans ces pensées négatives. À travers l'association où elle était bénévole, elle fit la connaissance d'un ami partageant son amour pour la marche. Ils devinrent de bons compagnons de randonnée, mais cela n'alla pas plus loin : Rose n'avait pas besoin de ce type de relation.

Dès l'instant où elle eut Jolie, Rose redevint elle-même. Elle se souvint particulièrement d'un matin ensoleillé où elle ouvrit les volets. Jolie s'assit devant elle, la tête inclinée, les yeux remplis de malice. À cet instant, Rose réalisa que cette petite chienne avait réchauffé son cœur, redonné vie à sa maison et ravivé son enthousiasme. C'était là, dans ce regard fidèle et espiègle, que Rose comprit à quel point Jolie avait profondément changé sa vie. Cette petite boule de poils énergique apporta un souffle nouveau dans sa vie.

Les promenades redevinrent des aventures, les livres retrouvèrent leur attrait, et les souvenirs cessèrent d'être des regrets. Jolie était plus qu'un simple animal. Avec ses yeux pétillants et son comportement tantôt canin, tantôt presque félin, elle devint une confidente, une complice. Rose apprit à “parler chien” et Jolie, à décoder les émotions de sa maîtresse. Ensemble, elles parcoururent les rues, les sentiers et les marchés, partageant rires et silences.

Un jour, Rose hésita à sortir, submergée par une vague de tristesse. Jolie posa sa patte sur son genou et la regarda avec insistance. « Tu as raison, ma belle, allons marcher », dit-elle en souriant faiblement. Cette promenade fut l'une des plus revigorantes qu'elle eut connues.

Cette amitié sincère redonna à Rose une jeunesse insoupçonnée. Les promenades furent ponctuées d'anecdotes racontées à Jolie, et la maison résonna de rires complices. L'amour entre elles n'avait pas besoin de mots : un regard, une caresse suffisaient. Parfois, Rose avait même l'impression que Jolie répondait d'un hochement de tête à ses réflexions.

Un jour, Rose, en peignant un portrait de Jolie, réalisa à quel point cette présence avait comblé ce vide autrefois indicible. Cet amour inconditionnel, dépourvu d'attentes et nourri de simples instants partagés, lui rappela que le cœur sait s'ouvrir à tout âge.

Rose commença à tenir un journal, relatant ses journées et les petits moments de bonheur que lui apportait Jolie. « Aujourd'hui, Jolie a chassé une feuille morte pendant cinq minutes. J'ai ri comme une enfant. Je crois que je suis redevenue vivante », y écrivit-elle un soir.

Ainsi, Rose et Jolie poursuivirent leur chemin, main dans la patte, liées par un amour authentique et délicieusement organique.

Cet amour s'inscrivit dans un héritage émotionnel que Rose n'avait jamais pleinement mesuré. Son arbre généalogique amoureux, riche et nuancé, révéla les multiples facettes de son cœur.

 

Véro Infini


Cet exercice, proposé par Bernard Werber en collaboration avec The Artist Academy

Bâtir une histoire organique

Dessinez l'arbre généalogique amoureux de votre personnage principal : ses relations passées, actuelles, rêvées. Utilisez des couleurs différentes pour représenter les types de relations.

Les objectifs de ce défi :

Construire une intrigue cohérente

Développer une progression naturelle

Lier les éléments narratifs

Créer des connexions authentiques

Structurer son récit

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