La Pluie

La pluie a toujours eu pour moi un parfum particulier. Elle tombe, elle frappe les toits, glisse sur les vitres, éclabousse le sol. Chaque goutte devient une note, une musique improvisée qui emplit l’espace, parfois assourdissante, parfois si discrète qu’on la découvre seulement après, sur les trottoirs brillants.

Photo de pluie tombant en rideaux d’eau, créant des reflets brillants et des flaques sur le sol.

Je me souviens de mes anniversaires de juin. Le 2, la première pluie de la saison arrivait presque toujours, comme si elle voulait marquer le jour avec moi. Le matin, elle inondait le ciel de ses rideaux d’eau, puis, l’après-midi, elle disparaissait pour me laisser fêter. C’était notre rituel secret.
Et pourtant, je ne l’aime pas. Elle m’indispose, me surprend, s’accroche aux vêtements, colle à la peau. Je crois que je préfère la neige, silencieuse et douce. Mais je dois reconnaître que chaque goutte a sa vie : minuscule, grandissant, éclatant, recommençant toujours. L’eau, fragile et immense, est fascinante. Elle nourrit et soigne, mais elle détruit aussi.

Au Bélize, mes filles ont grandi avec son vacarme. La pluie frappait les toits de tôle comme des tambours, emplissant la maison de son fracas. Ici, à Marseille, elle tombe en silence. On croit parfois qu’il ne pleut pas, et pourtant la rue en bas s’est déjà transformée en miroir.

Il m’est arrivé de l’accueillir comme une amie. Après l’ouragan Iris, j’ai levé le visage vers elle, et je me suis lavé les cheveux sous son eau. Ce jour-là, elle avait un goût de renaissance. Mais le plus souvent, elle me replonge dans mes manques. Elle nettoie les rues, mais elle emporte aussi mes souvenirs. L’autre jour, j’attendais qu’elle vienne effacer les traces laissées par ma petite Lili. Je les ai reconnues parmi toutes. La pluie les a balayées, mais elle n’a pas effacé ma peine. Chaque souvenir d’elle reste en moi comme une pluie intérieure, inépuisable.

Alors, que faire de toi, pluie que je n’aime pas vraiment ? Je peux t’éviter, te maudire. Mais je peux aussi t’écrire. Quand tu tombes, j’ouvre mon cahier de Merlin. Mes pensées se déposent comme tes gouttes sur la vitre. Et peut-être qu’au fond, c’est ça ton vrai cadeau : me forcer à garder une trace. Parce que les pensées disparaissent, elles s’effacent. Mais l’écriture, elle, demeure.

Vero Infini


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